Architectes et salles de sport mars 2017

Lettre ouverte à Robin.

 

Cher Robin, tu es en terminale après un beau parcours scolaire et après un formidable parcours sportif comme un certain nombre de tes camarades de club. Comme eux, tu es obligé de choisir ton orientation pour continuer tes études qui déboucheront sur une profession. Tu envisages une école d’architecture.

Je voudrais te faire part de mon expérience de professeur d’éducation physique et d’éducateur sportif confronté à cette profession. J’ai en effet au cours de ma carrière utilisé un grand nombre de gymnases ou de salle de sport pour des entraînements ou des compétitions. Si certains sont parfaitement adaptés à l’usage pour lequel ils ont été conçus, d’autres se révèlent être de véritables cauchemars pour les utilisateurs, ce qui ne les empêche pas d’être réussi sur le plan esthétique.

Je vais te citer trois exemples dans notre environnement proche, de salle que nous connaissons bien. Le dojo de Marcy L’Etoile est magnifique, l’entraînement y est très agréable et il est très fonctionnel. Il en est de même du dojo de Chasselay. Dans ces deux cas le maître d’œuvre et l’architecte ont consulté les utilisateurs. C’est ainsi qu’ André Ramousse, à l’époque entraîneur du judo club de Chasselay ou Lionel Girard entraîneur à Marcy l’Etoile, ont planché pendant des heures sur les plans qu’on leur avait confiés afin de solliciter leur avis d’utilisateur et de spécialiste avec le résultat que l’on connaît.

Le troisième exemple est celui de notre ancien dojo de Lozanne. Malgré mes mises en garde réitérées, nous n’avons jamais eu accès au plan pour pouvoir donner notre avis. Certes une réunion publique avait été organisée pour présenter la réalisation. Il y avait une centaine de personnes dans la salle et bien sur il était très difficile d’approcher des plans et encore plus de les étudier pour donner un avis. Pendant la construction le chantier était interdit. Alors que la salle était presque terminée, nous avons bravé l’interdit pour aller voir notre futur dojo. Et là, ce fut un grand choc. Il était éclairé par d’étroites fenêtres qui tenaient plus du soupirail que de la baie vitrée, les vestiaires étaient à l’étage inférieur et surtout la hauteur du dojo était juste de 2,50 m ce qui est bien sûr très insuffisant dans une salle de sport d’abord parce que l’on risque de toucher le plafond et aussi parce que le volume d’air est très insuffisant. Dès le lendemain j’ai appelé l’inspecteur de Jeunesse Et Sports dont la consternation fut égale à la nôtre. En effet l’État par l’intermédiaire de ce ministère avait donné une subvention importante eut égard au palmarès de notre section judo. Il accepta de donner le feu vert à l’ouverture de la salle à condition qu’il y ait 2,50m mais au-dessus du tapis. Il a fallu défoncer la dalle de béton pour gagner les quelques centimètres pour encastrer le tapis. Résultat trois mois de travaux supplémentaires, les pièces de l’étage inférieur très endommagées par les vibrations et un surcoût important.

Pendant des années nous nous sommes entraînés dans une salle dont l’air devenait vite irrespirable par manque de volume (on a dû rajouter par la suite une très puissante ventilation). Cependant La hauteur nous a toujours interdit un certain nombre d’exercices. Enfin les vestiaires étaient inutilisables car loin du dojo, facilement accessible de l’extérieur et sans possibilité de surveillance. Aussi les judokas déposaient leurs affaires sur le sol à côté du tapis. L’espace devant le tapis était donc très encombré et il était fréquent que les vêtements soient piétinés involontairement par les parents qui venaient attendre les enfants. Ce problème a été solutionné quelque 25 ans plus tard avec la construction des vestiaires mitoyens de la salle.

A ce propos, j’ose espérer que pour notre nouveau dojo dont l’esthétique est indéniable, que l’architecte a bien tenu compte d’un certain nombre de nos contraintes. Il faut un petit local près du tapis pour remiser le matériel pédagogique (bâches de réception, cerceaux, balises etc.) il faut que l’accès aux vestiaires passe par le dojo sinon c’est la porte ouverte à tous les vols par des personnes extérieures à notre association, et à nouveau l’obligation de ne rien laisser et d’amener les affaires à côté du tapis avec les inconvénients que cela suppose. Par ailleurs la responsabilité des cadres s’étend aussi au temps passé dans les vestiaires et c’est la que pourrait se régler, peut-être violemment, des différends entre les enfants. Si ceux-ci ne sont pas contigus à la salle la surveillance est impossible.

Ainsi la conception des locaux que ce soit nos maisons où les locaux où nous exerçons des activités (salle de sport, salle de classe…) conditionnent fortement la qualité de vie ou la qualité des activités.

Pense à cela Cher Robin si tu es un jour architecte.

Alain Chambefort

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