Questions à propos de l’arbitrage des benjamins et des minimes

Questions à propos de l'arbitrage des benjamins et des minimes :

 

La façon dont on arbitre ces catégories d'âge depuis quelques années pose d'énormes problèmes aux combattants et à leurs parents, aux professeurs, et aux arbitres eux-mêmes. Il y a un décalage terrible entre le point de vue des jeunes compétiteurs, de leurs parents, de leurs entraîneurs et celui de la Fédération. Les minimes par exemple sont des jeunes de 13 et 14 ans, ce ne sont plus de jeunes enfants. Ils ont le droit de choisir un sport de s'y investir et d'essayer d'y réussir. Certains n'hésitent pas pour cela à s'entraîner plusieurs fois par semaine : trois, quatre ou même cinq fois comme dans un certain nombre d'autres disciplines sportives. Les professeurs également s'investissent pour les faire progresser, les parents pour les emmener aux entraînements etc. Aussi lorsqu'ils vont en compétition aux différents niveaux : district, département, région, interrégion… c'est dans l'espoir de faire un podium ou de se qualifier pour le niveau supérieur. Ceci en respectant toutes les valeurs du judo et du sport en général : respect de l'adversaire, fair-play… Il me semble qu'il n'y a rien de condamnable dans cette attitude. Ceci ne semble pas être le point de vue de la Fédération qui définit ainsi sa conception des compétitions minimes : (textes officiels : code sportif : règlement de la coupe individuelle minime : article 1 : définition.) « animation, acquisition d'expérience contacts et échanges prime sur le résultat sportif » et aussi « la remise des récompenses doit être sobre et ne pas dévaloriser les perdants. » Ce qui veut dire en clair : suppression du podium. Il y a un malentendu à ce niveau : pour le compétiteur et son entourage ce qui compte c'est d'obtenir le meilleur résultat possible : se qualifier et peut-être monter sur le podium alors que pour la Fédération, le podium, donc le fait qu'il y ait des vainqueurs semble gêner et pour elle, le résultat sportif ne compte pas ce qui importe c'est que ce soit une animation avec contacts et échanges. ???

Dans ce même règlement il est affirmé deux lignes plus haut : « les compétitions de cette catégorie d'âge permettent, parmi d'autres critères, aux conseillers techniques de détecter les judokas qui pourront rejoindre les centres d'entraînement de la filière du haut niveau fédéral » n'y a-t-il pas là une véritable contradiction ? 

J'aimerais savoir quels sont les raisons qui ont conduit nos instances supérieures à ce point de vue sur la compétition ? Est-ce le discours ambiant sur l'égalité des chances très répandu dans notre société et en particulier dans le système scolaire ? S'ils ne veulent plus de vainqueurs voir même de compétitions, il faut organiser à place des entraînements suivis d'un pot de l'amitié qui favoriserait le contact et l’échange. Est-ce pour rendre les compétitions plus soft afin d'encourager le plus grand nombre à y participer et ainsi tenter de fidéliser les adhérents afin qu'ils continuent de se licencier ?

Ces options sont appliquées dans la façon d'arbitrer. On a essayé de rendre les combats plus soft avec un certain nombre de directives qui visent à brider les judokas les plus forts. Le problème c'est que l'on aboutit à un arbitrage qui tient du loto. C'est peut-être le souhait de la Fédération puisqu'au loto chacun a sa chance. En effet le règlement d'arbitrage est tellement difficile à appliquer que la même action peut être sanctionnée par une valeur (Yuko, Wazari, ippon) ou par une sanction, selon l'arbitre (Par exemple sur une attaque en séoi nagé lorsque Tori descend à genoux). Par ailleurs après avoir interrogé beaucoup d'arbitres, je me suis aperçu qu'ils n'interprètent pas tous le règlement de la même façon. Il en est de même des instructeurs d'arbitrage et selon les régions il y a des différences importantes. Par exemple la plupart des arbitres affirment que les judokas n'ont pas le droit de saisir le kimono directement sur la partie haute du col mais qu'ils doivent d'abord le saisir plus bas alors que le règlement dit : « les saisies sur la partie haute du col, sans dépasser le milieu de la nuque du partenaire sont autorisés. » Cela me paraît on ne peut plus clair. Pourquoi compliquer encore ? Il en est de même des maki komi : beaucoup d'arbitres ne font pas la différence entre un maki komi et le fait que Tori tombe avec Uké parce qu'il est entraîné par son élan en uchi mata par exemple. Sur l'obligation d'établir une garde fondamentale avant d'attaquer on voit souvent des judokas empêcher l'adversaire de saisir le judogi, au bout de moment celui-ci attaque et obtient parfois une valeur, mais il se fait sanctionner parce qu'il n'avait pas pris le kimono avant d'attaquer.

On pourrait multiplier les exemples à l'infini. Dans notre club nous filmons la plupart des combats afin de faire une « vidéo des ippons » j'ai constaté des centaines de fois que des valeurs sont accordées sur des actions qui auraient dû faire l'objet d'une sanction en application du règlement et que des sanctions sont appliquées sur de très belles actions ce qui a pour effet de révolter le combattant le coache et les parents. À l'âge (benjamins, minimes) ou l'on est très sensible à l'injustice la plupart ne comprennent pas ou prennent très mal les décisions d'arbitrage appliquées à leur catégorie d'âge.

Lors de rencontres internationales j'ai constaté combien nos jeunes judokas étaient handicapées par rapport à leurs homologues des autres pays qui ont l'habitude d'un règlement imposant moins de contraintes. Il en est de même de nos cadets. Comment peuvent-ils aborder les compétitions internationales alors qu'ils ont été bridés pendant de nombreuses années ?

Je ne suis pas pour la « championite » et mes objectifs sont de faire de mes jeunes adhérents d'abord de bons judokas, d'en faire des athlètes et de leur forger le mental et le caractère ce qui sera un atout important pour réussir dans la vie. Le podium lors des compétitions n'est qu'une « cerise sur le gâteau » et ceux qui ne l'atteignent pas sont tout aussi méritants. Cependant comment leur expliquer qu'ils vont en compétition pour avoir « des contacts et des échanges » et que cela est bien plus important que le résultat sportif ?

 

Cet article date de plusieurs années : la situation s'est légèrement améliorée pour les minimes mais elle n'a guère évoluée pour les benjamins

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